Paiement différé des droits de succession

Lorsqu’une succession s’ouvre, les héritiers doivent en principe régler les droits de succession dans un délai de 6 mois après le décès (ou 12 mois si le décès a eu lieu à l’étranger).

Lorsqu’une succession s’ouvre, les héritiers doivent en principe régler les droits de succession dans un délai de 6 mois après le décès (ou 12 mois si le décès a eu lieu à l’étranger). Mais que faire si les biens transmis sont difficiles à vendre rapidement, comme une maison, des parts sociales, ou un bien reçu en nue-propriété ?

C’est justement pour éviter la vente forcée de biens familiaux que la loi permet, dans certains cas, de bénéficier d’un paiement différé des droits de succession.

Ce dispositif peut offrir un vrai souffle financier aux héritiers, à condition de bien comprendre ses règles, ses délais… et ses limites.

Qu’est-ce que le paiement différé des droits de succession ?

Le paiement différé permet aux héritiers de reporter le règlement de tout ou partie des droits de succession à une date ultérieure, au lieu de les payer immédiatement. Il s’adresse principalement aux situations où le patrimoine transmis comprend des actifs peu liquides (difficiles à vendre rapidement).

Par exemple :

  • Une maison transmise en nue-propriété, dont le conjoint survivant conserve l’usufruit.
  • Une exploitation agricole attribuée à un enfant dans le cadre de l’attribution préférentielle.
  • Une entreprise familiale, que les héritiers souhaitent conserver et faire fructifier.

Ce mécanisme se distingue du paiement fractionné, qui consiste à étaler le paiement en plusieurs versements, mais sans report initial aussi long.

Le paiement différé est un levier de gestion patrimoniale : il évite de devoir vendre à perte ou dans l’urgence pour régler les droits dus.

Dans quelles situations peut-on demander un paiement différé ?

Le recours au paiement différé est strictement encadré. Il est réservé à certaines configurations prévues par la loi, parmi lesquelles :

1. Transmission en nue-propriété

C’est le cas le plus fréquent. Lorsqu’un héritier reçoit la nue-propriété d’un bien et que le conjoint survivant conserve l’usufruit, les droits peuvent être différés jusqu’à la réunion des deux droits, souvent au décès du conjoint.

Le paiement est donc suspendu, parfois pendant 10, 15 ou 20 ans, selon l’espérance de vie de l’usufruitier.

2. Droit d’usage et d’habitation du conjoint survivant

Lorsque le conjoint survivant bénéficie d’un droit viager d’usage et d’habitation, les héritiers peuvent également solliciter un différé sur les droits relatifs à ce bien.

3. Attribution préférentielle d’une entreprise ou d’un bien agricole

Dans les successions comprenant une exploitation agricole, une entreprise individuelle ou des parts de société, l’un des héritiers peut en recevoir l’attribution, sous certaines conditions.

Dans ce cas, il peut bénéficier :

  • d’un paiement différé pendant 5 ans, puis
  • d’un paiement fractionné sur 10 ans (avec intérêts).

Ce dispositif vise à favoriser la pérennité des entreprises familiales, sans les fragiliser au moment de la transmission.

Combien de temps peut-on différer le paiement des droits ?

La durée du paiement différé dépend du type de bien concerné et de la situation des héritiers. La loi prévoit des cas bien définis, avec des délais variables selon la configuration patrimoniale.

Paiement différé en cas de nue-propriété

Lorsqu’un bien est transmis en nue-propriété, le paiement des droits de succession peut être reporté jusqu’à la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété.
C’est-à-dire :

  • au décès de l’usufruitier (généralement le conjoint survivant),
  • ou en cas de vente anticipée du bien par accord entre l’usufruitier et le nu-propriétaire.

➡️ Les droits de succession deviennent alors exigibles dans les 6 mois suivant la réunion des droits.

Ce différé peut durer de nombreuses années, ce qui permet aux héritiers de conserver le bien sans pression financière immédiate.

Paiement différé pour la transmission d’une entreprise ou d’un bien agricole

Dans le cadre d’une attribution préférentielle (exploitation agricole, entreprise familiale, parts sociales), la loi permet un différé de paiement de 5 ans, suivi d’un paiement fractionné sur une durée maximale de 10 ans, sous réserve de remplir certaines conditions strictes (notamment de conservation et de gestion de l’activité).

Ce dispositif est encadré par l’article 397 A de l’annexe II du Code général des impôts.

Ce régime est souvent utilisé pour permettre à un héritier de reprendre une entreprise sans devoir vendre ou endetter lourdement la structure.

Paiement déclenché en cas de vente du bien

Important : si le bien concerné par le différé est vendu avant la fin du délai, les droits de succession deviennent immédiatement exigibles dans leur totalité, même si l’usufruit est toujours en place.

Quelles sont les conditions pour bénéficier du différé ?

Le paiement différé n’est pas automatique. Il doit faire l’objet d’une demande formelle auprès de l’administration fiscale, respecter certaines conditions, et s’accompagner de garanties.

Une demande conjointe à faire lors de la déclaration de succession

La demande de paiement différé :

  • doit être présentée par tous les héritiers concernés,
  • être jointe à la déclaration de succession,
  • être signée et rédigée selon les formes exigées, généralement avec l’aide d’un notaire.

Sans demande explicite et complète, aucun report ne pourra être accordé, même si les conditions sont remplies.

L’administration fiscale dispose de 2 mois pour répondre

Une fois la demande déposée, l’administration a deux mois pour :

  • accepter,
  • refuser,
  • ou demander des compléments (notamment des garanties).

En l’absence de réponse à l’expiration du délai, le silence vaut refus.

La garantie est souvent obligatoire

Dans la majorité des cas, l’administration exigera une garantie pour sécuriser le paiement futur des droits. Cela peut prendre plusieurs formes :

  • hypothèque sur le bien reçu,
  • caution bancaire,
  • nantissement sur un actif mobilier ou financier.

L’objectif est d’assurer que les droits différés pourront bien être payés à l’échéance, même si la situation patrimoniale de l’héritier évolue.

Des conditions de fond à respecter

En plus de la demande et des garanties, certaines conditions matérielles doivent être respectées pour que le différé soit accordé :

  • le bien doit être peu liquide ou difficilement partageable (ex. : immeuble, exploitation, entreprise),
  • il doit exister un démembrement, un droit d’usage viager, ou une attribution préférentielle reconnue.

Quels sont les effets du paiement différé ?

Le paiement différé permet de reporter l’échéance fiscale, mais il n’efface ni la dette ni ses conséquences financières. Voici les principaux effets à connaître avant de faire ce choix.

Des intérêts à payer pendant toute la durée du différé

Le report du paiement des droits de succession entraîne le paiement d’intérêts, calculés annuellement par l’administration fiscale.

  • Le taux est fixé chaque année : 2,2 % en 2024 (susceptible d’évoluer).
  • Ces intérêts s’appliquent pendant toute la durée du différé, jusqu’au règlement complet des droits.

Cela signifie que plus le différé dure, plus le coût final augmente. Ce n’est pas un prêt gratuit.

Responsabilité solidaire des héritiers

Tous les héritiers qui bénéficient du paiement différé sont solidairement responsables du paiement :

  • En cas de défaut de paiement par l’un d’eux, l’administration peut se retourner contre les autres.
  • Cela vaut également si l’un des héritiers cède sa part sans en avertir les autres.

La solidarité fiscale est souvent méconnue, mais elle peut générer des tensions en cas de mésentente familiale.

Les droits deviennent immédiatement exigibles en cas de :

1. Réunion de l’usufruit et de la nue-propriété

C’est le cas le plus fréquent : au décès de l’usufruitier, les droits différés deviennent automatiquement exigibles dans les 6 mois.

2. Vente du bien concerné

Si le bien transmis est vendu avant la fin du différé, le fisc réclame le paiement immédiat des droits et des intérêts.

3. Défaut de garantie ou manquement aux conditions

Si l’héritier ne fournit pas les garanties exigées, ou ne respecte pas ses obligations, le différé peut être annulé, et l’ensemble des droits devient immédiatement dû.

Le paiement différé est une opportunité, mais aussi une responsabilité à long terme.

Quels sont les risques à connaître ?

Si le paiement différé peut offrir un répit financier précieux, il n’est pas sans inconvénients ni risques à anticiper. Avant de faire ce choix, les héritiers doivent bien mesurer les conséquences pratiques, juridiques et fiscales à long terme.

Un choix irrévocable

Une fois accordé, le paiement différé ne peut plus être annulé ou modifié.
Les héritiers ne peuvent pas changer d’avis pour opter ensuite pour un paiement immédiat ou fractionné.

Ce caractère irrévocable engage la famille pour plusieurs années, voire décennies dans certains cas (notamment en cas de démembrement).

Un coût total plus élevé à cause des intérêts

Le report n’est pas gratuit. À 2,2 % par an, le montant total à payer peut devenir significatif, surtout si le différé s’étend sur 10, 15 ou 20 ans.

Dans certains cas, le montant des intérêts peut dépasser celui des droits initiaux.

Une dépendance au respect des conditions

  • Si le bien est vendu plus tôt que prévu, les droits deviennent immédiatement exigibles.
  • Si les garanties ne sont pas acceptées ou ne sont plus valides, l’administration peut exiger le paiement anticipé.

Cela signifie que tout changement de situation (familiale, économique ou patrimoniale) peut avoir un impact direct sur la validité du différé.

Une solidarité fiscale lourde de conséquences

Tous les héritiers ayant signé la demande sont solidairement responsables du paiement. Cela peut :

  • créer des tensions si l’un d’eux fait défaut,
  • rendre complexe la gestion des successions secondaires (ex. : en cas de décès d’un héritier entre-temps).

La solidarité est une protection pour l’État… mais un risque pour les héritiers.

En résumé – Le paiement différé, un outil pour préserver le patrimoine

Le paiement différé des droits de succession est une solution précieuse dans les successions complexes ou patrimoniales, notamment lorsque les héritiers reçoivent des biens peu liquides comme de l’immobilier ou des parts sociales.

À retenir :

  • Il permet de reporter le paiement des droits sur certains biens transmis (nue-propriété, exploitation agricole, entreprise).
  • Il est soumis à conditions : demande conjointe, garanties, validation de l’administration.
  • Le différé génère des intérêts (2,2 % en 2024) et engage les héritiers sur le long terme.
  • Les droits deviennent exigibles immédiatement en cas de vente du bien ou de réunion des droits (ex. : décès de l’usufruitier).
  • C’est un outil de gestion patrimoniale, mais à manier avec prudence, avec l’aide d’un notaire ou d’un conseiller en gestion de patrimoine.

Bien utilisé, le paiement différé permet d’éviter la vente précipitée de biens familiaux. Mal anticipé, il peut devenir une contrainte coûteuse et rigide.

FAQ – Paiement différé des droits de succession : vos questions fréquentes

Quelles sont les conditions pour demander un paiement différé des droits de succession ?

Il faut que la succession comporte des biens spécifiques (nue-propriété, entreprise, exploitation agricole) et que tous les héritiers fassent une demande formelle jointe à la déclaration de succession.

Comment le taux d’intérêt s’applique-t-il ?

Le taux d’intérêt est fixé chaque année (2,2 % en 2024) et s’applique pendant toute la durée du différé, sur le montant total des droits reportés.

Quelle garantie est exigée ?

L’administration fiscale peut demander une hypothèque, une caution bancaire, ou un nantissement sur un actif. Sans garantie jugée suffisante, la demande peut être refusée.

Quels biens peuvent faire l’objet d’un paiement différé ou fractionné ?

Les biens concernés sont principalement :

  • les biens en nue-propriété,
  • les exploitations agricoles ou entreprises familiales,
  • les biens attribués dans le cadre d’une attribution préférentielle.

Comment différer le paiement des droits de succession ?

En adressant une demande écrite, signée par tous les héritiers concernés, jointe à la déclaration de succession, et accompagnée des justificatifs nécessaires.

Est-ce que la vente du bien met fin au différé ?

Oui. La vente d’un bien objet du différé rend immédiatement exigible le paiement des droits, y compris les intérêts.

Le paiement différé est-il toujours avantageux ?

Il est avantageux dans les cas de transmission de biens difficiles à liquider, mais peut être coûteux sur le long terme à cause des intérêts. Il doit être évalué au cas par cas.

Puis-je opter pour un paiement fractionné après un différé ?

Oui, dans certains cas (notamment transmission d’entreprise), il est possible de bénéficier d’un différé de 5 ans, suivi d’un paiement fractionné sur 10 ans, si les conditions sont réunies.

Que se passe-t-il si un héritier décède avant la fin du différé ?

Ses ayants droit reprennent la part de la dette. Le paiement reste dû, et la solidarité entre cohéritiers reste applicable.

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