Mise en demeure du constructeur pour malfaçon : le mode d’emploi
Quand des désordres apparaissent après des travaux, la mise en demeure est la première marche sérieuse pour obtenir des réparations. C’est une lettre formelle, envoyée en recommandé, qui met le constructeur face à ses obligations et démarre le chronomètre. Bien rédigée et bien prouvée, elle prépare aussi la suite en cas de blocage (expertise, juge, indemnisation).
à retenir
« sans mise en demeure claire, datée et prouvée, votre dossier avance rarement. avec elle, vous structurez le dialogue… et la procédure. »
Quand envoyer une mise en demeure (et sur quel fondement)
Envoyez-la dès que des malfaçons sont constatées et que l’entreprise ne répare pas spontanément. Le fondement dépend du type de garantie en jeu :
- garantie de parfait achèvement (1 an) : tous défauts signalés à la réception ou dans l’année qui suit (article 1792-6 du code civil).
- garantie biennale (2 ans) : équipements dissociables (interphone, chaudière, volets…).
- garantie décennale (10 ans) : désordres graves portant atteinte à la solidité ou rendant l’ouvrage impropre à sa destination.
Si vous avez une assurance dommages-ouvrage (DO), déclarez en parallèle le sinistre à l’assureur : la DO préfinance les réparations, puis se retourne contre les responsables.
Avant la lettre : constituer des preuves simples et solides
Commencez par figer la preuve :
- photos/vidéos datées, factures, devis, plans, contrat, PV de réception et échanges déjà intervenus ;
- idéalement un constat d’huissier/commissaire de justice si le désordre est sérieux (infiltrations, structure, sécurité) : c’est une preuve forte et difficilement contestable.
bon réflexe
« plus la preuve est carrée au départ, plus la suite est rapide : expertise utile, offre sérieuse, jugement efficace. »
Ce que la mise en demeure doit contenir (et comment le dire)
Votre lettre doit être précise, ferme et factuelle, sans agressivité. Elle tient en quatre blocs.
- qui / quoi
- Vos coordonnées et celles de l’entreprise.
- Référence du contrat/devis, adresse du chantier, date de réception.
- Ce qui ne va pas
- Description numérotée des malfaçons, localisation, date d’apparition.
- Pièces jointes : photos, devis de reprise, constat, rapports.
- Pourquoi l’entreprise doit agir
- Rappel du fondement : parfait achèvement, biennale ou décennale.
- Mention expresse : « La présente vaut mise en demeure de procéder aux reprises. »
- Ce que vous exigez et sous quel délai
- Réparation conforme aux règles de l’art, selon devis/méthode.
- Délai raisonnable (souvent 8 à 15 jours pour intervenir, 30 jours pour réaliser selon l’ampleur).
- Annonce des suites : expertise, DO, référé-expertise et action en justice en cas d’inaction/refus.
Forme : envoi LRAR (recommandé avec AR). Conservez une copie et l’accusé.
Après l’envoi : trois issues classiques
- l’entreprise intervient : fixez par écrit un calendrier, imposez un procès-verbal de fin de reprise et gardez toutes les pièces.
- silence ou refus : déclenchez la DO si elle existe ; sinon, demandez une expertise amiable contradictoire (convocation écrite de toutes les parties).
- désordre sérieux/urgent : saisissez le juge des référés pour une expertise judiciaire et, si besoin, une provision (avance d’indemnité) ou des mesures conservatoires.
précision utile
« faire exécuter les travaux par un tiers aux frais de l’entreprise » est envisageable, après mise en demeure et, en pratique, avec l’aval du juge pour éviter toute contestation ultérieure.
Exemples concrets (pour se repérer)
- infiltrations de terrasse apparues 6 mois après réception : mise en demeure sur parfait achèvement, puis DO en parallèle ; reprise de l’étanchéité + relevés, coûts annexes (protections, MOE) pris en charge.
- carrelage qui sonne creux et se décolle à un an moins un mois : notification immédiate pour rester dans le délai de parfait achèvement, dépose/repose complète exigée.
- PAC défaillante dans un logement loué à 18 mois : garantie biennale, remplacement de l’équipement + perte de loyers le temps de l’immobilisation.
Modèle court de mise en demeure (à adapter)
Objet : Mise en demeure – Réparations de malfaçons – [Adresse du chantier]
Madame, Monsieur,
Nous avons confié à votre entreprise les travaux de [nature des travaux] à l’adresse [adresse], suivant devis/contrat n° [référence], réceptionnés le [date].
Nous constatons les désordres suivants :
- [Désordre 1 : description, localisation, date d’apparition]
- [Désordre 2 : …]
Ces désordres relèvent de vos obligations légales (garantie de parfait achèvement/biennale/décennale – art. 1792 s. et 1792-6 C. civ.).
La présente vaut mise en demeure de procéder, dans un délai de [8/15/30] jours à compter de sa réception, aux reprises conformes aux règles de l’art, selon la méthode décrite dans le devis joint, et de nous proposer un calendrier précis d’intervention.
À défaut d’exécution dans ce délai, nous saisirons l’assureur dommages-ouvrage le cas échéant et le juge des référés afin de voir désigner un expert judiciaire et obtenir une provision au titre de nos préjudices.
Veuillez trouver ci-joint : [liste des pièces : photos datées, constat, devis, PV de réception, contrat].
Nous vous prions d’agréer…
[Nom, signature]
Envoi : LRAR – Pièces jointes : [liste]
Check-list express
- Décrivez et documentez les désordres (photos, constat, devis).
- Envoyez une LRAR avec les mots-clés : « mise en demeure », délais, fondements.
- Proposez une méthode de reprise (ou exigez-la).
- Si échec : expertise contradictoire, DO, référé-expertise.
- Archivez tout (c’est votre meilleur atout si le juge intervient).
FAQ – Mise en demeure constructeur pour malfaçon
Quel délai accorder dans une mise en demeure pour malfaçon ?
En règle générale, un délai de 8 à 15 jours est recommandé pour que le constructeur accuse réception et commence les travaux. Pour des réparations plus complexes, ce délai peut être porté à 30 jours.
L’important est de fixer un délai clair et raisonnable, adapté à l’ampleur des désordres, tout en indiquant précisément la date limite dans la lettre.
Conseil : si les désordres compromettent la sécurité ou l’étanchéité, précisez le caractère urgent afin de justifier un délai plus court.
Le constat d’huissier est-il obligatoire ?
Le constat d’huissier (ou constat de commissaire de justice) n’est pas systématiquement obligatoire, mais il reste fortement recommandé dans plusieurs situations :
- Désordres importants ou structurels (infiltrations, fissures profondes, problèmes de fondations).
- Risque de contestation de la part du constructeur.
- Nécessité d’engager une procédure judiciaire par la suite.
Le constat a une valeur probante élevée : il fige la situation à une date précise et rend les contestations beaucoup plus difficiles pour l’entreprise mise en cause.
Que faire si l’entreprise propose une réparation minimale ou “rustine” ?
Si la réponse du constructeur ne couvre pas l’intégralité des désordres ou ne garantit pas une réparation durable, vous devez :
- Répondre par écrit en exposant les points manquants ou insuffisants.
- Exiger le respect des règles de l’art et, si nécessaire, joindre un devis d’un autre professionnel pour chiffrer les reprises complètes.
- En cas de désaccord persistant, demander une expertise contradictoire ou saisir le juge pour imposer une réparation conforme.
Dois-je prévenir mon assureur dommages-ouvrage ?
Oui, si vous disposez d’une assurance DO, vous devez la déclarer sans attendre dès l’apparition du désordre.
La DO présente deux avantages majeurs :
- Elle préfinance les réparations, ce qui permet d’éviter de longs délais.
- Elle se retourne ensuite contre le constructeur ou les autres responsables pour récupérer les sommes avancées.
Astuce : même si vous engagez une mise en demeure, la déclaration DO en parallèle vous assure de ne pas perdre de temps en cas d’inaction du constructeur.
La mise en demeure suffit-elle à obtenir réparation ?
Dans certains cas, oui : un constructeur sérieux et conscient de ses obligations interviendra rapidement.
Cependant, si aucune réponse satisfaisante n’est obtenue, la mise en demeure devient une pièce essentielle pour :
- Engager une expertise judiciaire.
- Saisir le juge des référés pour obtenir une provision ou imposer les travaux.
- Démontrer que vous avez respecté les procédures préalables avant toute action contentieuse.
Exemple concret – Mise en demeure au constructeur pour malfaçon
Imaginez que vous fassiez construire votre maison et que, quelques mois après la remise des clés, de graves infiltrations d’eau apparaissent au niveau du toit et de la façade.
Après avoir fait appel à un huissier pour constater les désordres (photos et description à l’appui), vous constatez que ces infiltrations compromettent l’étanchéité et la durabilité du bâtiment.
Le constructeur, informé verbalement, minimise la gravité et propose une réparation temporaire (pose d’un mastic sur la fissure), ce qui ne résout pas le problème de fond.
Dans ce cas, l’envoi d’une mise en demeure formelle devient indispensable pour :
- Exiger les réparations complètes.
- Fixer un délai précis d’exécution.
- Se constituer une preuve solide en cas de contentieux.
Modèle de lettre de mise en demeure pour malfaçon
À envoyer en recommandé avec accusé de réception
(À adapter selon votre situation)
[Vos prénom et nom]
[Votre adresse]
[Téléphone]
[Adresse e-mail]
À l’attention de :
[Nom du constructeur / de l’entreprise]
[Adresse]
Lieu, le [date]
Objet : Mise en demeure de réparer des malfaçons – Contrat du [date]
Lettre recommandée avec accusé de réception
Madame, Monsieur,
Le [date], nous avons signé un contrat (ou marché de travaux) relatif à la construction / rénovation de [description précise des travaux] pour un montant total de [montant], conformément au devis n°[référence].
À ce jour, des malfaçons importantes ont été constatées sur l’ouvrage :
- [Décrivez précisément les désordres], par exemple : infiltrations d’eau au niveau du toit, fissures dans les murs porteurs, défauts d’étanchéité des menuiseries, etc.
Ces défauts ont été constatés le [date] par [préciser : huissier de justice / expert / constat photographique], conformément aux dispositions de la garantie de parfait achèvement prévue à l’article 1792-6 du Code civil.
En conséquence, nous vous mettons formellement en demeure de :
- Procéder à la réparation complète de l’ensemble des malfaçons constatées.
- Respecter les règles de l’art et les normes en vigueur.
- Intervenir dans un délai maximum de [préciser, ex. 15 jours] à compter de la réception de la présente.
À défaut d’exécution dans le délai imparti, nous nous verrons contraints :
- D’engager une procédure judiciaire devant le tribunal compétent.
- De solliciter la désignation d’un expert judiciaire.
- De demander réparation pour l’intégralité des préjudices subis, y compris financiers et moraux.
Nous vous remercions de nous confirmer par écrit la date de début des réparations.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
[Signature]
📌 À retenir :
- Conservez une copie intégrale de la lettre et des pièces jointes (photos, constat, devis, contrat).
- Joignez toujours les preuves (constat d’huissier, photos datées, rapport d’expert).
- L’accusé de réception fera foi pour prouver que le constructeur a bien été informé.