Après un jugement d’expulsion : étapes, délais, leviers (bailleur & locataire)
Un jugement d’expulsion ne signifie pas une sortie immédiate du locataire. La suite est très encadrée : commandement de quitter les lieux, délais légaux, trêve hivernale, puis, si besoin, exécution forcée avec le concours de la force publique.
L’objectif de cet article : montrer qui fait quoi, quand, et avec quelles options (délais de grâce, recours, médiation) pour avancer efficacement et légalement.
La Frise “Pas À Pas”
- J+0 à J+10 : Signification du jugement puis notification du commandement de quitter les lieux (CQL) par un commissaire de justice.
- J à J+2 mois : Délai légal pour un départ volontaire du locataire. Le délai court à compter de la signification du CQL.
- Après 2 mois : Si le locataire est encore présent, le bailleur demande le concours de la force publique à la préfecture. L’administration dispose de 2 mois pour répondre.
- Accord du préfet : Le commissaire de justice exécute l’expulsion (serrurier, forces de l’ordre si nécessaire). Refus ou silence : Le bailleur peut envisager un recours indemnitaire contre l’État pour carence.
- Du 1er novembre au 31 mars : Trêve hivernale → L’expulsion matérielle est reportée (hors exceptions prévues par la loi).
Étape 1 — Le Commandement De Quitter Les Lieux (CQL)
Le CQL est délivré par un commissaire de justice après le jugement. Il démarre un délai de 2 mois durant lequel le locataire peut quitter spontanément le logement, régler ses dettes ou organiser son départ. Le juge peut, selon les cas, réduire ou supprimer ce délai.
Exemple. CQL signifié le 10 septembre → Délai jusqu’au 10 novembre pour quitter les lieux volontairement.
Étape 2 — Délais Après Jugement : Délais De Grâce Et Aménagements
Le locataire peut solliciter auprès du juge des délais de grâce lorsqu’un relogement immédiat est difficile (santé, enfants scolarisés, démarches actives, surendettement, etc.).
Depuis une réforme récente, ces délais peuvent être accordés entre 1 et 12 mois, et renouvelés si la situation le justifie. Le juge apprécie au cas par cas (situation sociale, efforts de paiement, démarches de relogement).
À savoir. Le juge peut aussi réduire ou supprimer le délai de 2 mois du CQL, notamment en cas de mauvaise foi caractérisée.
Étape 3 — Exécution Forcée : Concours De La Force Publique
Si, au terme du délai, le locataire n’a pas libéré les lieux, le bailleur sollicite auprès de la préfecture le concours de la force publique. L’administration répond en principe sous 2 mois. En cas d’accord, le commissaire de justice fixe une date et procède à l’expulsion, avec serrurier et forces de l’ordre si nécessaire.
Et si le préfet refuse (ou ne répond pas) ? Le bailleur peut engager un recours indemnitaire contre l’État (indemnisation des loyers perdus, etc.).
Étape 4 — Protections, Suspensions Et Trêve Hivernale
- Trêve hivernale : Du 1er novembre au 31 mars, l’expulsion matérielle est interdite (sauf exceptions). La procédure peut continuer (assignation, jugement, CQL), mais la sortie physique est reportée.
- Situations particulières : Surendettement, recours DALO, procédures collectives… peuvent influencer les délais ou conduire le juge à accorder du temps supplémentaire.
Côté Bailleur : Vos Obligations Jusqu’à La Sortie Effective
Même après jugement, le bailleur doit :
- Respecter la procédure légale (pas d’auto-expulsion, pas de pressions : pas de coupure d’eau/électricité).
- Garantir la jouissance paisible du locataire jusqu’au départ.
- Assurer l’entretien courant et la décence du logement.
- Respecter les délais (CQL, trêve, réponse préfectorale) avant toute exécution forcée.
Côté Locataire : Vos Options Concrètes
- Parler tôt avec le bailleur et l’ADIL/les services sociaux pour négocier un plan de paiement ou un relogement.
- Demander des délais de grâce au juge (jusqu’à 12 mois, renouvelables) avec pièces justificatives.
- Rester joignable pour éviter des mesures plus coûteuses le jour de l’exécution.
Mini-FAQ
Combien de temps entre jugement et expulsion ?
En pratique, au moins 4 mois : 2 mois pour le CQL, puis jusqu’à 2 mois pour l’accord préfectoral. La trêve hivernale, les délais de grâce ou des recours peuvent allonger sensiblement.
Peut-on expulser pendant la trêve hivernale ?
L’expulsion matérielle est reportée du 1er novembre au 31 mars (exceptions limitées). La procédure peut, elle, se poursuivre.
Le juge peut-il accorder du temps au locataire ?
Oui. Des délais d’1 à 12 mois peuvent être accordés et renouvelés en fonction de la situation (relogement, enfants, santé, efforts de paiement).
Que se passe-t-il si la préfecture refuse la force publique ?
Le bailleur peut déposer un recours indemnitaire contre l’État pour carence (pertes locatives, etc.).
Exemples Concrets
Exemple 1 — Calendrier “Classique” Sans Trêve.
CQL notifié le 10 avril → Délai jusqu’au 10 juin. Le locataire reste. Réquisition de la force publique le 15 juin → Accord préfectoral début juillet → Expulsion mi-juillet.
Exemple 2 — Avec Trêve Hivernale.
CQL notifié le 20 septembre → Délai jusqu’au 20 novembre. Réquisition ensuite. Même en cas d’accord préfectoral en décembre, l’expulsion matérielle est reportée au 1er avril.
Exemple 3 — Délais De Grâce.
CQL notifié le 5 juin. Le juge accorde 6 mois (difficulté de relogement + santé). Départ échelonné au 5 décembre.
Check-List Bailleur
- Récupérer : Copie du jugement, CQL, preuve de signification.
- Noter l’échéance du délai de 2 mois.
- Préparer la réquisition du concours de la force publique (dossier complet).
- Intégrer la trêve hivernale dans le planning.
- Conserver toutes les preuves (courriers AR, PV, échanges, constats).
Check-List Locataire
- Contacter ADIL/Services sociaux rapidement.
- Proposer un plan de remboursement crédible ou travailler un relogement.
- Demander des délais au juge avec justificatifs (santé, emploi, enfants, démarches).
- Répondre aux courriers du commissaire de justice, rester joignable.
En Résumé
Après un jugement d’expulsion, rien n’est improvisé : un CQL ouvre un délai de 2 mois, le juge peut accorder 1 à 12 mois supplémentaires, la préfecture statue sous 2 mois sur la force publique, et la trêve hivernale reporte l’expulsion matérielle du 1er novembre au 31 mars. En vous organisant tôt, en documentant chaque étape et en dialoguant, vous réduisez les frictions… et le temps perdu.