Le plafonnement du loyer, c’est le garde-fou qui évite les envolées de loyers au moment du renouvellement d’un bail commercial. Concrètement, à l’échéance (souvent après 9 ans), le loyer renouvelé ne peut pas dépasser la variation d’un indice légal : ILC (indice des loyers commerciaux) ou ILAT (indice des loyers des activités tertiaires). Ce mécanisme offre de la visibilité aux commerçants et stabilise l’environnement économique… tout en laissant des portes de sortie lorsque la réalité du local a effectivement changé.
Les principes clés Du plafonnement
Le plafonnement s’applique au renouvellement du bail, sauf exception. L’idée est simple : on part du dernier loyer “de base” et on le réajuste par l’indice.
Formule lisible :
Loyer renouvelé plafonné = Loyer de base × (Indice “référence renouvellement” ÷ Indice “référence dernière fixation”)
- Le loyer de base est le loyer contractuel (hors pas-de-porte non amorti, hors charges et taxes) fixé lors de la dernière fixation ou du dernier renouvellement.
- L’indice “référence renouvellement” est l’ILC ou l’ILAT du trimestre précédant la date de renouvellement.
- L’indice “référence dernière fixation” est l’ILC ou l’ILAT du même trimestre utilisé lors de la dernière fixation.
Le plafonnement ne joue utilement que si la valeur locative est supérieure au loyer en cours. Si, au contraire, la valeur locative est inférieure, on peut revendiquer un ajustement à la baisse vers la valeur locative (selon le cadre légal et la jurisprudence applicables).
Le dispositif est encadré par les articles L.145-33 à L.145-38 du Code de commerce (réforme dite “loi Pinel” 2014 notamment).
ILC ou ILAT : Quel indice choisir ?
- ILC : activités commerciales et artisanales (boutiques, restauration, ateliers, etc.).
- ILAT : activités tertiaires (bureaux, services, professions libérales, logistique hors commerce de détail).
Le bail précise en général l’indice applicable. En cas de doute, on se réfère à la nature réelle de l’activité exercée.
Deux exemples de calcul (Pas À Pas)
Exemple A — Boutique relevant de l’ILC
- Loyer de base (dernière fixation/renouv.) : 24 000 € HT/an
- Indice ILC “référence dernière fixation” : 116,00
- Indice ILC “référence renouvellement” : 128,76
Calcul : 24 000 × (128,76 ÷ 116,00) = 26 640 € HT/an (arrondi)
Le loyer renouvelé plafonné est 26 640 € HT/an.
Exemple B — Cabinet de conseil relevant de l’ILAT
- Loyer de base : 36 000 € HT/an
- ILAT “référence dernière fixation” : 110,50
- ILAT “référence renouvellement” : 125,00
Calcul : 36 000 × (125,00 ÷ 110,50) ≈ 40 703 € HT/an
Le loyer renouvelé plafonné est 40 703 € HT/an.
Bon réflexe : utilisez les mêmes trimestres de référence (ex. T2/T2) et le même indice que celui prévu au bail.
Quand le plafond “Saute” : Les cas de Ddéplafonnement
Le déplafonnement permet de dépasser le loyer plafonné pour viser la valeur locative lorsque des circonstances le justifient.
Principaux cas :
- Durée excédant 12 ans. Si le bail a duré plus de 12 ans (par exemple par tacite prolongation), on déplafonne au renouvellement.
- Modification notable des éléments de la valeur locative pendant le bail expiré :
- Caractéristiques du local (surface augmentée, équipements ajoutés, état notablement amélioré).
- Destination des lieux (changement d’activité autorisé).
- Obligations des parties (répartition des charges, travaux).
- Facteurs locaux de commercialité (nouveau métro, centre commercial voisin, piétonnisation, attractivité).
- Loyers de voisinage (évolution objective du marché).
- Travaux valorisants (par le bailleur ou le locataire) qui augmentent la valeur locative.
- Déspécialisation :
- Partielle : possible déplafonnement si l’activité nouvelle accroît la valeur.
- Totale : déplafonnement en principe immédiat.
- Exclusions spécifiques : locaux monovalents, terrains nus, bureaux (selon les catégories légales) échappent au plafonnement.
- Clauses d’exclusion au contrat : elles existent mais restent d’interprétation stricte et sous contrôle du juge. Prudence dans la rédaction et l’analyse.
À noter : depuis la loi Pinel, même en cas de déplafonnement, la hausse au renouvellement est lissée : la variation annuelle est limitée (mécanisme de “plafonnement du déplafonnement”). On évite ainsi un “mur de loyer” dès la première année.
Comment prouver une “Modification Notable” ?
Le bailleur qui demande le déplafonnement doit démontrer des variations substantielles, sur la durée du bail expiré :
- Constat du local : métrés, diagnostics, état des équipements, photos avant/après, autorisations de travaux.
- Évolution de l’environnement : ouverture d’un pôle commercial, nouveaux flux piétons, transports, parkings, classement touristique, chiffres de fréquentation, données INSEE locales.
- Comparatifs de marché : loyers de baux comparables signés récemment dans le secteur.
- Changements contractuels : charges transférées, obligations nouvelles, clause recette, etc.
Plus le dossier est objectif et sourcé, plus la valeur locative revendiquée sera crédible.
Check-List express avant renouvellement
Côté bailleur :
- Vérifiez l’indice applicable (ILC/ILAT) et les trimestres.
- Évaluez la valeur locative et repérez d’éventuelles modifications notables.
- Anticipez la négociation : scénario “plafonné” vs “déplafonné”, calendrier, pièces.
Côté locataire :
- Calculez votre loyer plafonné à partir du bon indice.
- Challengez la valeur locative annoncée par le bailleur (comparables, usage, charges).
- Anticipez la trésorerie en cas de lissage d’une hausse déplafonnée.
Questions Fréquentes en matière de déplafonnement d'un loyer de bail commercial(FAQ)
Comment calcule-t-on précisément le loyer plafonné au renouvellement ?
On applique la formule d’indexation : loyer de base × (indice de référence au renouvellement ÷ indice de référence à la dernière fixation), en veillant à utiliser le même trimestre de comparaison et le même indice (ILC ou ILAT).
Quelles exceptions permettent le déplafonnement du loyer ?
Principalement : durée > 12 ans, modification notable de la valeur locative (local, destination, obligations, facteurs de commercialité, loyers de voisinage), travaux valorisants, déspécialisation, et catégories de locaux non soumis au plafonnement.
Comment prouver une modification notable pour convaincre le juge ?
Par un faisceau d’indices : métrés, photos, autorisations et factures de travaux, études de flux, données publiques sur l’attractivité, baux comparables récents, état des charges. Une expertise amiable peut sécuriser le dossier.
Quel indice choisir entre ILC et ILAT pour mon bail commercial ?
Suivant l’activité réelle : ILC pour commerce/artisanat, ILAT pour activités tertiaires (bureaux/services). Le bail le précise souvent. En cas de doute, faites vérifier la qualification de l’activité.
Comment la durée du bail influence le plafonnement du loyer ?
Au-delà de 12 ans de durée effective, le loyer du bail renouvelé peut être déplafonné et fixé à la valeur locative. La hausse reste toutefois lissée dans le temps (plafonnement du déplafonnement).
Modèle de présentation pour votre négociation
Étape 1. Identifiez l’indice applicable (ILC/ILAT) et les trimestres de référence.
Étape 2. Calculez le plafonné avec la formule.
Étape 3. Évaluez la valeur locative (comparables, état du local, charges, commercialité).
Étape 4. Vérifiez s’il existe un motif sérieux de déplafonnement.
Étape 5. Préparez deux scénarios (plafonné vs valeur locative) et le plan de lissage si hausse déplafonnée.
Étape 6. Documentez chaque point par des pièces communicables (tableau comparatif, photos, cartes, extraits d’études).
En Résumé
Le plafonnement en bail commercial protège le locataire en limitant la hausse du loyer par référence à un indice (ILC/ILAT). Le déplafonnement reste possible quand la réalité économique du local a changé (durée > 12 ans, modification notable, travaux valorisants, déspécialisation, catégories spécifiques). Une préparation chiffrée et documentée de part et d’autre permet d’aboutir à un renouvellement prévisible, justifié et soutenable.