Comprendre l'avocat spécialisé en matière de malfaçon

Quand un chantier laisse des désordres derrière lui, une question revient toujours : s’agit-il d’une malfaçon engageant la responsabilité de l’entreprise, ou d’une usure normale inhérente au temps qui passe et à l’usage du bien ?

Quand un chantier laisse des désordres derrière lui, une question revient toujours : s’agit-il d’une malfaçon engageant la responsabilité de l’entreprise, ou d’une usure normale inhérente au temps qui passe et à l’usage du bien ? La réponse conditionne vos recours, les garanties mobilisables et, in fine, le montant de l’indemnisation.

« La clé n’est pas de qualifier “au doigt mouillé”, mais de démontrer techniquement puis encadrer juridiquement. »

Malfaçon ou usure normale : comment un avocat fait la différence

La malfaçon est une exécution défectueuse ou non conforme aux règles de l’art, aux normes ou au contrat. Elle résulte d’une faute, d’une négligence ou d’une erreur d’un intervenant, et affecte la solidité, la sécurité ou l’usage normal de l’ouvrage.

À l’inverse, l’usure normale (ou vétusté) est la détérioration naturelle liée au temps, aux conditions d’usage et à l’environnement, sans manquement technique.

Exemples concrets

  • Malfaçon : fissures traversantes sur cloisons neuves, terrasse non étanche, menuiseries mal réglées laissant passer l’eau, garde-corps non conforme, réseau électrique dangereux.
  • Usure normale : peinture qui jaunit quatre ans après la réception, parquet matifié par le passage, joints de salle de bains à raviver, vieillissement d’un équipement à l’issue de sa durée de vie.

Le cadre juridique utile

  • Garantie de parfait achèvement (1 an) : tous défauts signalés à la réception ou dans l’année (art. 1792-6 C. civ.).
  • Garantie biennale (2 ans) : dysfonctionnements des équipements dissociables.
  • Garantie décennale (10 ans) : atteinte à la solidité ou impropriété à destination.

L’expertise judiciaire : le passage obligé pour trancher

Dans les dossiers de malfaçons, la preuve technique fait la différence. L’avocat sollicite le plus souvent un référé-expertise pour faire désigner un expert indépendant, inscrit près la Cour.

Ce que fait l’expert, très concrètement

  • Il constate les désordres sur place, analyse les causes, qualifie la malfaçon ou l’usure, et chiffre les travaux de reprise.
  • Il travaille en contradictoire : chaque partie est convoquée, peut faire valoir ses observations et produire ses pièces.
  • Il rend un rapport détaillé, qui servira de base à la solution amiable… ou au jugement.

« Un bon dossier d’expertise, c’est 80 % du chemin vers une réparation intégrale. »

La méthode de Pierrick Bournet : technique d’abord, stratégie ensuite

1) Audit et qualification

Pièces du marché, plans, CCTP, PV de réception, photos et vidéos datées, constats, échanges mails, attestations d’assurances. L’objectif est de poser le diagnostic juridique à partir d’un diagnostic technique fiable.

2) Mise en demeure cadrée

Avant le contentieux, une mise en demeure claire, chiffrée et documentée permet souvent de débloquer. Elle fixe un délai et annonce les suites (expertise, DO, référé).

3) Référé-expertise et conduite du contradictoire

Définition précise de la mission de l’expert, préparation des dires, réunion sur site, demandes de compléments, observations au pré-rapport. Le but : sécuriser les conclusions utiles (causes, responsabilités, coût des reprises, préjudices).

4) Indemnisation et exécution

Négociation sur la base du rapport ou action au fond pour obtenir condamnation à payer les travaux de reprise et les préjudices (perte de loyers, relogement, perte de jouissance, esthétique), avec, si besoin, une provision en cours de route.

Avec ou sans dommages-ouvrage : quels réflexes

Si vous avez souscrit une assurance dommages-ouvrage (DO), déclarez le sinistre sans attendre. La DO préfinance les réparations en quelques mois, puis se retourne contre les responsables.
Sans DO, le couple mise en demeure + référé-expertise est la voie classique pour geler la preuve et chiffrer correctement les reprises.

Trois scénarios typiques… et l’issue probable

1) Infiltrations de terrasse à six mois de la réception

Perf’ : parfait achèvement + DO. L’expert confirme une étanchéité défaillante (malfaçon). Reprise complète des relevés, étanchéité et évacuations, frais de maîtrise d’œuvre et relogement pris en charge.

2) Carrelage qui “sonne creux” et se décolle

Perf’ : parfait achèvement. L’expert retient une pose non conforme. Dépose/repose intégrale, protections de chantier et perte de jouissance indemnisées.

3) Pompe à chaleur en panne dans un logement loué

Perf’ : biennale. L’expert qualifie un défaut d’équipement. Remplacement à l’identique, plus perte de loyers le temps d’immobilisation.

Prouver efficacement : les pièces à rassembler

Un dossier solide vaut mieux qu’un long discours. Rassemblez dès maintenant :

  • Contrat, devis, CCTP, plans, PV de réception (réserves et levées).
  • Photos et vidéos datées, constats de commissaire de justice si désordre sérieux.
  • Devis de reprise détaillés (méthode + quantitatifs), diagnostics techniques.
  • Échanges écrits avec l’entreprise, attestations d’assurance décennale, police DO.

« La preuve s’organise dès le premier doute. Plus vous documentez tôt, plus vous gagnez vite. »

Combien et quand pouvez-vous obtenir

L’indemnisation vise la remise en état complète et la réparation de vos préjudices. Elle inclut, selon les cas, les travaux conformes, la maîtrise d’œuvre, les protections, le relogement, la perte de loyers et, le cas échéant, un préjudice esthétique.
En présence d’une DO, l’offre intervient généralement sous quelques mois. En contentieux, une provision peut être obtenue rapidement en référé, le solde à l’issue de l’expertise ou du jugement.

Erreurs fréquentes… et comment les éviter

  • Attendre « pour voir » alors que l’eau entre déjà. Agissez vite et par écrit.
  • Accepter une rustine qui traite le symptôme sans corriger la cause.
  • Sous-documenter le dossier : pas de photos datées, pas de devis de reprise, pas de PV.
  • Oublier les frais annexes et pertes dans la demande d’indemnité.

Tableaux d'exemples concrets

Exemples concrets : malfaçon ou usure normale ? (avec garantie, preuves et action)
Situation observée Qualification probable Indices clés Garantie mobilisable Preuves utiles Action recommandée
Infiltrations sous toiture 3 mois après réception Malfaçon Lit de tuiles mal posé, écran absent, traces d’eau Parfait achèvement (1 an) / Décennale si impropriété Photos datées, constat huissier, rapport couvreur Mise en demeure + DO si souscrite ; à défaut référé-expertise
Terrasse non étanche, infiltrations chez le voisin Malfaçon Pente insuffisante, relevés/évacuations non conformes Décennale (10 ans) Essais d’arrosage, photos, rapport étanchéité Mise en demeure, DO si possible, référé-expertise
Carrelage intérieur “sonne creux” et se décolle à 8 mois Malfaçon Colle inadaptée, absence de double encollage Parfait achèvement Vidéos/son, devis de reprise, constat Mise en demeure pour dépose/repose complète
Carrelage terrasse éclaté après gel (1er hiver) Malfaçon Carrelage non gélif, joints dilatation absents Décennale Photos hivernales, fiche technique matériaux Mise en demeure + expertise contradictoire
Peinture jaunit au bout de 4 ans Usure normale Vieillissement UV/usage sans cloquage/décollement Hors garanties Photos avant/après, facture d’origine Entretien / réfection à charge du propriétaire
Peinture cloque 3 mois après réception Malfaçon Support non préparé, humidité, primaire absent Parfait achèvement Constat, hygrométrie, fiche produit Mise en demeure pour reprise complète du système
Fissures de retrait fines sur enduit (faïençage) sans eau Souvent usage/esthétique Microfissures stables, pas d’infiltration Hors garanties (selon gravité) Photos dans le temps Surveillance ; si évolutif → expertise
Fissures traversantes évolutives sur murs neufs Malfaçon Ouvertures > 2 mm, progression, désaffleurements Décennale Jauges, relevés périodiques, rapport structure Référé-expertise, mesures conservatoires si besoin
Menuiseries qui prennent l’eau (1 an) Malfaçon Pose hors DTU, calfeutrement/joints défectueux Parfait achèvement / Décennale si impropriété Essais arrosage, photos, PV réglages Mise en demeure, DO si disponible
Condensation sur vitrages en hiver Plutôt usage/ventilation Taux d’humidité élevé, VMC insuffisante Hors garanties (sauf défaut VMC) Hygromètre, contrôle VMC Améliorer ventilation ; si VMC défaillante → biennale
VMC bruyante / inefficace à 18 mois Défaut d’équipement Débits non conformes, bruit anormal Biennale (2 ans) Mesures de débit/son, fiche constructeur Mise en demeure de remplacement/réglage
Pompe à chaleur en panne à 20 mois (logement loué) Défaut d’équipement Codes erreur répétés, panne récurrente Biennale Interventions SAV, relevés pannes Remplacement + perte de loyers indemnisée
Volet roulant coince dès la première année Malfaçon Coulisses non alignées, mauvais réglage fins de course Parfait achèvement Photos, vidéo, PV d’intervention Mise en demeure de reprise/échange
Moteur de volet HS après 7 ans Usure normale Fin de vie conforme au produit Hors biennale Factures, notice Remplacement à charge du propriétaire
Électricité disjoncte, sections/circuits sous-dimensionnés Malfaçon Non-conformité NFC 15-100, échauffements Décennale (sécurité) Rapport Consuel/électricien, thermographie Référé-expertise + travaux correctifs
Parquet qui grince localement 6 ans après Usure/usage Dilatations, trafic, pièces humides Hors garanties Constats simples Entretien/petites reprises localisées
Parquet gondolé 2 mois après pose Malfaçon Hygrométrie non respectée, absence de jeu périphérique Parfait achèvement Mesures humidité, photos plinthes Dépose/repose avec règles de l’art
Joints de salle de bains moisis après 2 ans Entretien Local humide, nettoyage irrégulier Hors garanties (sauf défaut ventilation) Photos, contrôle VMC Réfection joints ; vérifier VMC (biennale si défaut)
Faïence / receveur fendu au droit d’un plancher chauffant Malfaçon Joints de fractionnement absents, colles inadaptées Décennale si impropriété Coupe technique, fiche colle, constat Expertise + reprise conforme (fractionnement)
Garde-corps trop bas / ancrages faibles Malfaçon Non-conformité aux normes de sécurité Décennale (sécurité) Mesures, note de calcul, photos Mise en sécurité, expertise, reprise aux normes
Garde-corps rouillé après 8 ans Usure/vétusté Milieu agressif, absence d’entretien Hors garanties Photos, carnet d’entretien Brossage/traitement, entretien périodique
Façade isole mal, ponts thermiques après rénovation Malfaçon Non-respect règles ITE, ponts non traités Décennale si impropriété Thermographie, DPE, rapport ITE Référé-expertise + corrections techniques
Interphone HS à 3 ans Hors biennale Durée > 2 ans, composant usé Hors garanties Factures, diagnostic Remplacement (contrat de maintenance conseillé)
Indications à titre informatif : la qualification finale dépend d’une analyse technique et du contexte (dates, pièces, usage). En cas de doute, faites constater et sollicitez une expertise contradictoire.

Questions utiles

La peinture qui jaunit au bout de deux ans, est-ce une malfaçon ?

Le plus souvent non : c’est de l’usure normale si la mise en œuvre et la peinture étaient conformes. En revanche, cloquages et décollements précoces peuvent révéler une mauvaise préparation ou un produit inadapté : là, on bascule vers la malfaçon.

Une fissure sur un mur neuf après quelques mois, est-ce grave ?

Tout dépend de la nature de la fissure. Des microfissures de retrait peuvent relever de l’usage. Des fissures traversantes ou évolutives orientent vers une malfaçon (mise en œuvre, structure) et justifient une expertise.

Faut-il toujours aller au tribunal ?

Pas nécessairement. Une mise en demeure sérieuse, assortie d’un chiffrage crédible, permet souvent un accord. L’expertise judiciaire devient indispensable quand le désaccord porte sur la cause ou le coût des reprises.

Besoin d’aide ?

Pierrick Bournet accompagne maîtres d’ouvrage et copropriétés à Toulouse et alentours pour qualifier les désordres, organiser la preuve, conduire l’expertise et obtenir une réparation intégrale. Un premier échange permet de poser la stratégie, les délais et les priorités.

« Technique, timing, preuve. C’est le triptyque qui transforme un chantier problématique… en dossier gagnable. »

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